La moitié de l’école parle en anglais deux semaines par mois et la moitié des enfants de cette école primaire de Magog présente des « particularités » d’apprentissage. On préfère ce mot à « difficultés », qui implique bien des échecs et des larmes. Ici, le mot d’ordre, c’est : « un enfant, un parcours », et on arrive à intéresser les plus démotivés en les aiguillant vers leurs passions.
J’ai passé une journée dans les deux écoles primaire et secondaire Montessori de Magog, récemment, et j’ai eu l’impression de revenir de Finlande. Si j’y suis déjà allée ? Oui, une fin de semaine de janvier, jadis, voyage mémorable où je m’étais fait laver de pied en cap dans un sauna par une matrone corpulente et volontaire. Les Finlandais ont une conception de l’hygiène qui se rapproche de l’éducation : le corps sain dans l’esprit sain.
Embauchant la crème des universitaires, ils ont intégré des outils pédagogiques qu’on retrouve davantage dans les écoles dites « alternatives » comme Montessori. Et leur modèle est cité comme un cas d’école, car ils parviennent à la tête de tous les classements en Occident depuis plus de 15 ans. L’élève y jouit de davantage d’autonomie, de liberté et de respect de son unicité.
L’école inclusive
Montessori fait partie des 40 % d’écoles privées francophones non subventionnées par l’État québécois. Depuis 2008, le gouvernement n’aide plus les nouvelles écoles, celles dont la pédagogie correspond pourtant au mandat que le ministère de l’Éducation s’est donné avec le Lab-École : décloisonner un modèle qui accumule poussière et moisissures et en faire un milieu de vie inclusif pour tous les enfants.
Sylvie des Rosiers, directrice au primaire et fondatrice de l’école Montessori Magog, s’est inspirée à la fois de la pédagogie montessorienne et du modèle scandinave. Cette ex-entraîneuse de l’équipe nationale canadienne en ski alpin était surprise de voir à quel point on créait des parcours sur mesure pour nos athlètes alors que le système d’éducation est fondé sur l’uniformité d’un programme à appliquer. « Moi, j’ai détesté l’école ! C’est grâce à la souplesse des Soeurs marcellines si j’ai terminé mon secondaire. Elles ont respecté ma passion, ont accepté que je fasse plus de ski que d’école. Elles m’ont donné de l’assurance et c’est ce que je veux redonner. »
Aujourd’hui, Sylvie termine un doctorat en modification des pratiques enseignantes en écriture à l’Université de Sherbrooke et prend les maternelles, 1re et 2e années sous son aile.
À Montessori, on ne pense pas que le crayon et le papier soient les meilleurs moyens d’écrire un texte au XXIe siècle. « On prépare les enfants pour un avenir qu’on ne connaît pas. C’est un environnement évolutif, ajoute Sylvie des Rosiers. Au Québec, on enseigne encore comme il y a 15 ans ; nous sommes en retard. En Finlande, ils sont connectés sur la recherche en éducation et on constate que l’environnement fait les trois quarts du travail. »
Première école dans un parc national
À la Fédération des établissements d’enseignement privés, la porte-parole, Geneviève Beauvais, me souligne qu’une enquête conduite auprès de 44 000 élèves québécois entre 2000 et 2010 a montré une diminution de la motivation de 77 % à 44 % ! « Le modèle d’école traditionnelle ne fonctionne plus avec les enfants nés après 2000. Les asseoir en rangs d’oignons et les cours magistraux, ça ne les intéresse pas. Le changement est aussi radical qu’avec le modèle religieux des années 1960. Les jeunes sont ailleurs. Ils veulent travailler en collaboration. Et il y a rupture de confiance. Ils trouvent que les adultes ne sont pas compétents pour aborder les grands enjeux de société », résume-t-elle.
Plusieurs établissements privés ont déjà amorcé un virage pédagogique et technologique radical, à l’instar de Montessori. D’ailleurs, leur école secondaire de Magog est la seule au Québec à être enracinée dans un parc national, à Orford. On y a inauguré les nouveaux locaux loués par le centre d’arts d’Orford cette semaine. L’architecte Pierre Thibault est venu visiter ce microcosme de 55 élèves choyés par une nature imposante, développant des projets entrepreneuriaux écolos, tâtant des instruments de musique, chaussant leurs espadrilles ou leurs skis pour aller s’épivarder dans les sentiers.
Leur directrice, Sylvie Gauvreau, dirigeait les écoles de tournées pour le Cirque du Soleil auparavant : « C’est un modèle scolaire que j’ai vécu au Cirque, le mentorat entre élèves, le multidisciplinaire. Tous les élèves font des arts, de la musique, de la danse. Et tous les enseignants ici ont des compétences très variées, de la maîtrise en anthropologie à la maîtrise en littérature. La vie étudiante est pilotée par les élèves ; nous, on balise. Chose certaine, on cultive des personnes qui ne se soumettent pas, capables de s’indigner et de lever la main quand elles ne sont pas d’accord. Ce sont les citoyens responsables de la société du futur. Et ce ne sont pas des robots. »
Ah oui, j’oubliais : il n’y a pas de bureau de la directrice, pas de cadenas sur les casiers, pas de graffitis et pas encore de décrochage scolaire.
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